Réhabiliter un bâtiment qui date de 1910, n’est pas chose facile. En effet, à cette époque les réglementations du béton armé étaient à leurs balbutiements. On vous explique les défis techniques auxquels notre équipe a dû faire face, un défi à la hauteur de nos ambitions.

Sauver le bâtiment et sauvegarder le patrimoine.

Les premières visites de chantier que nous avons effectuées, nous ont clairement montré un bâtiment , certes beau et iconique de la ville de Tanger (classé patrimoine) mais aussi qui montrait des sérieux signes de fatigues: fissures dans les murs, défauts d’étanchéité, corrosion avancée des armatures et bien évidemment aucune documentation sur l’ouvrage. Nous devions mettre en place une stratégie et définir la campagne de sondages

Mener l’enquête pour comprendre la conception structurelle du bâtiment

La première étape a consisté à diriger les études de diagnostic structurel par sondages dont le maillage s’est resserré avec l’avancement du projet :

– identifier la structure porteuse

– rassembler toutes les informations structurelles de résistance des porteurs

– localiser et comprendre système de fondations:

– étudier le sol support

– Expertiser les planchers existants à travers des techniques diverses et variées : prélèvement de carottes, auscultations soniques, pacomètre et essais scléromètrique.

Un programme chargé pour identifier les points faibles du bâtiment et mettre en place une stratégie pour chiffrer les travaux, rédiger le marché mais aussi d’organiser les méthodes d’exécution. Un vrai travail de détective privé.

Phaser le bâtiment pour optimiser l’avancement des sondages et des travaux en même temps

L’étape suivante a été de phaser les travaux afin de permettre aux sondages d’avancer en temps masqué. Faire des sondages pendant l’exécution des travaux pour confirmer les hypothèses des zones dont il fallait étudier le renforcement tout en alimentant les zones suivantes pour permettre aux études d’exécution de prendre assez d’avance et de permettre à l’entreprise d’assurer une cadence importante.

Le bâtiment s’est décomposé en 3 Phases, afin d’avoir un planning qui permettait le travail dans plusieurs zones sur plusieurs niveaux en même temps et ainsi relever le défi planning du projet : 8 mois hors intempéries

Quand les règlements de conceptions s’en mêlent

À l’époque de la constuction de ce bâtiment, le béton armé était un matériau novateur. On connaissait peu de son fonctionnement et on maîtrisait moins les effets que les outils de modélisation numérique nous ont permis de comprendre.

Un poteau de 12 x 25 cm qui soutient 3 étages ? oui, ça existait a l’époque et c’est capable de soutenir plusieurs dizaines de m2 de descente de charge.

Un plancher qui porte sur 6 mètres et qui fait 10 cm d’épaisseur ? Oui, cela est possible à condition de bien dimensionner les aciers qui composent ce plancher de 1910.

Un choix de renforcement de structure audacieux:

Après plusieurs études et comparatifs, nous avons opté pour le renforcement des planchers avec des profilés métalliques dont les sections ont été standardisées et les entraxes adaptés afin de faciliter l’exécution des travaux , qui devaient se faire en un temps record. Les poutres initiale du projet ont été chemisées pour créer les appuis des poutrelles métalliques: vérification des poutres à la flexion mais aussi au tranchant pour s’assurer que le plancher réhabilité soit robuste. Cette optimisation de structure a permis en phase d’exécution un gain de budget important par rapport à la solution initiale, ce qui a dégagé les budgets pour la restauration des portes des menuiseries des gardes corps d’époque, des mosaïques et des frises en zellige et des claustras en bois de façade

Un suivi de chantier minutieux et énormément de détails d’exécution

Chacune des semelles chemisée, chaque poteau renforcé et chaque plancher ont fait l’objet d’inspections minutieuses avant leur coulage, le ferraillage de ce projet est un casse tête et exécuté avec un précision d’horloger: soudage des cadres des poutres en béton qui accueillent les appuis des profilés avec des filants de peau pour éviter la fissuration par l’effort tranchant. La réfection de la façade n’a pas été simple avec des aciers corrodés qui menaçaient la planéité de cette ci, notamment au droit des cache rideaux.

Grâce à l’utilisation de passivants, de mortiers de réparation spéciaux et du renforcement des baies des ouvertures en créant des encadrements armés, les travaux de ravalement de façade ne sont pas en reste.

Des défis humains aussi et d’organisation

De part son emplacement dans le centre ville historique de Tanger et l’emprise disponible, les zones démolies ont été évacuées à la main, sac par sac avec une zone logistique aménagée en conséquence. Peu de place donc plus de flux. Les conditions de travail ont été particulièrement complexifiées par ces contraintes d’encombrement et d’emplacement.

Bref, un chantier complexe mais avec un sentiment de fierté.

Je me suis senti particulièrement impliqué dans ce projet pour 2 raisons principales : la première est l’amour du patrimoine: sauvegarder notre mémoire est important a mes yeux, car Tangerois depuis 3 générations cette ville m’a vu grandir et j’ai fait le choix d’y retourner.

Mais aussi pour une raison plus personnelle : mon grand père, écrivain instituteur et poète était un ami de Ssi Abdellah GUENNOUN et le jour de notre visite préliminaire avec l’architecte et M. GUENNOUN , une photo de mon grand père donnant une conférence dans cette bibliothèque a renforcé mon sentiment de devoir de mémoire. 4 ans après avoir entamé les premières études de ce bâtiment, c’est avec un sentiment de devoir accompli que ce premier acte de réhabilitation se termine: